Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/249

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Quelques sçavans, qui n’ont point porté leur vanité aussi loin que ceux dont je viens de parler, n’ont pas laissé de faire des choses directement contraires à leur repos & à leur tranquillité ; parce qu’ils espéroient qu’elles conduiroient leurs noms à l’immortalité. Combien n’y en a-t-il pas, qui ont souffert l’exil, la prison & la privation de tous leurs biens, qui auroient pû éviter ces maux, en suprimant leurs ouvrages, ou en les désavouant ? Ils ont mieux aimé perdre tout ce qu’ils avoient, & gémir dans une captivité, ou dans un bannissement de leur patrie, que d’éteindre leur mémoire.

L’évêque Grec, qui consentit d’être privé de son évêché, plutôt que de reconnoître qu’il n’étoit pas l’auteur du roman de Théagene & Chariclée, a eu grand nombre d’imitateurs dans ces derniers siécles. Arnaud, Quesnel, Saint-Cyran, & tant d’autres écrivains auroient pû jouir d’une vie tranquille en gardant le silence sur des matières du tems. Si les solitaires de Port-Royal n’eussent pas écrit davantage que les mathurins, ou n’eussent fait que des livres aussi mauvais que ceux qui ont été composés par des capucins, leur retraite subsisteroit encore. C’est l’envie qu’ils ont eue d’immortaliser leur