Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/267

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Tu sçais l’opinion qu’on attribue aux médecins. Ils croient être en droit de risquer sur des infortunés & sur des pauvres, des expériences dont ils espèrent tirer du profit pour les riches. Tu n’ignores pas, mon cher, Monceca, le conte qu’on fait d’un sçavant, malade dans un hôpital. Il entendit trois médecins agiter en Latin, si l’on feroit sur lui l’épreuve d’un reméde qui pouvoit lui donner la mort. Un de ces docteurs disoit, qu’ils ne devoient point ménager une ame vile. Ce fut un bonheur pour ce malade de sçavoir le Latin. Il s’en servit pour leur reprocher d’une manière pathétique leur pernicieux dessein <ref>Faciamus experimentum in anima vili. Responsio. Appellas animam vilem, pro qua Christus passus est mori ? C’est ainsi qu’on raconte ce trait ; mais Jacob Brito l’a écrit autrement pour éviter le mot de Jesus-Christ, dont les juifs ne parlent qu’avec peine. « Depuis les dernières éditions de ces lettres, j’ai lû cette histoire, racontée un peu différemment dans l’Antibaillet de M. Ménage, qui cite un passage du huitiéme livre de la prosepographie d’Antoine du Verdier de Vaugsrivas. On ne sera peut-être pas fâché de trouver ici ce passage, & de sçavoir que le malade dont il s’agit, étoit l’éloquent Muret. Il prend, dit du Verdier, son chemin en Italie, où, étant dans une ville de Lombardie, il tomba malade. Il étoit assez mal vêtu, pour ce qu’il