Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à ceux des Gassendistes & des Cartésiens. On peut encore, pour certaines questions, réduire les sentimens de ces quatre sectes à deux opinions particulières ; l’une qui admet le vuide, qui borne la matière, & ne la croit divisible que jusqu’à un certain dégré ; l’autre qui veut que tout soit plein, qui admet l’infinité ou l’indéfinité de la matière, & qui veut qu’elle soit divisible à l’infini. En examinant ces questions, on parcourt toute cette partie de la physique, que je crois devoir être éternellement douteuse.

Ecoutons un Epicurien, ou bien un Gassendiste. Le vuide, dit-il, _est absolument nécessaire. Sans lui, il ne sçauroit y avoir de mouvement. Si tout est plein, comment est-ce que les corps peuvent agir, & changer de place ? Deux corps ne peuvent se pénétrer : cela implique contradiction. Pour que l’un occupe le lieu de l’autre, il faut que ce dernier cède. Mais comment cedera-t-il, s’il est arrêté par un autre, & cet autre par un autre, & successivement, ainsi jusqu’au bout de l’univers, tout étant plein, & rien ne pouvant céder ? [1]

C’est en vain, poursuit le Gassendiste, _qu’on objecte, que les corps

  1. …… Locus est intactus, inane vacansque.
    Quod si non esset, nulla ratione moveri
    Res possent, namque officium quod corporum estat,
    Officere, atque obstare, id in omni tempore adesset
    Omnibus : haud igitur quidquam procedere posset
    Principium, quoniam cedendi nulla daret res.
    Lucret. de rer. Nat, lib. I.