Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/286

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foi, que le plus ignorant sur ces matières en sçait autant que le plus sçavant. Un philosophe doit dire de toutes ces questions ce que disoit Cicéron en parlant des divers sentimens sur la nature de l’ame. Quelque Dieu décidera laquelle de ces différentes opinions est la vraie. [1]

La seule divinité, mon cher Brito, peut connoître ces mystères cachés. Elle a voulu que nous ignorassions. Pourquoi tenter vainement de les découvrir ? Le fruit même que nous en retirerions, ne vaut pas la peine qu’on se donne. Que nous importe de sçavoir si la matière est divisible à l’infini, pourvû que nous sçachions qu’elle l’est jusqu’au point qui nous est nécessaire pour suffire à toutes les choses dont nous avons besoin ? L’homme, toujours prêt à s’appliquer aux choses qui tiennent de l’extraordinaire & du merveilleux, a cherché avec un soin infini, depuis près de trois mille ans, d’éclaircir des questions indissolubles. Il devroit bien être désabusé d’une étude aussi infructueuse, qui lui fait perdre un tems qu’il pourroit employer bien plus utilement. Mais la cause ordinaire, qui engage la plûpart des gens dans de fausses études, c’est qu’

  1. Harum sententiarum quae vera sit, Deus aliquis viderit. Cicero.