Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aux moissonneurs, des palmiers, les uns élevés plus que les autres, pour enrichir nos créatures. Nous avons donné la vie à la terre, morte, séche & aride. Ainsi les morts sortiront du tombeau. [1]

Toute la philosophie ne sçauroit présenter une idée plus majestueuse du pouvoir de la divinité. Celui qui d’une terre séche & aride, a formé l’homme, peut sans doute le faire sortir du tombeau : il n’est pas plus difficile à la divinité d’ordonner à la matière de se rejoindre de nouveau ensemble, qu’il le lui a été de l’animer, & de la mettre en mouvement. Celui qui de rien a fait toutes choses, ne peut-il pas exécuter tout ce qu’il veut ? Est-il rien qui révolte davantage notre foible raison, que de penser que de rien on puisse faire quelque chose. Cependant, non-seulement la religion, mais la saine philosophie, nous apprend que Dieu doit avoir créé la matière. Car si elle étoit coéternelle avec Dieu, elle seroit indépendante de lui, puisqu’elle ne lui devroit point sa création, & qu’il ne pourroit pas la détruire. Dieu alors ne seroit point tout-puissant. Il y auroit un être aussi ancien que lui, qui n’en seroit point dépendant. La divinité ne seroit plus infinie. Elle seroit bornée

  1. Alcoran, chapitre de la chose jugée, p. 308.