Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/324

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l’humanité, comme des loups auxquels on confieroit la garde d’un troupeau de moutons : ils passeroient pour fort modérés parmi leurs camarades les loups, s’ils se contentoient d’égorger une brebis par jour, pour suffire à leur appétit dévorant. Comment ! diroient-ils, ne point étrangler tout le troupeau ! Certes, voilà une marque d’une modération infinie. Il en est de même des commandans des villes de guerre : on les regarde comme très-modérés, lorsqu’ils veulent bien ne piller que peu-à-peu, & donner, pour ainsi dire, le tems de respirer. Je crois que c’est pour l’usage de ces officiers militaires que l’on a fait un assez mauvais livre, intitulé : l’art de plumer la poule sans la faire crier. Il est vingt façons différentes, par lesquelles les gouverneurs vuident la bourse des bourgeois, sans qu’ils puissent s’en plaindre. Ils ordonnent, par exemple, que les bourgeois garderont de certains postes, feront des patrouilles, monteront des gardes, tous exercices militaires, qui sont rachetés par une certaine somme d’argent ; M. le gouverneur par tendre amitié pour les habitans, voulant bien les dispenser de ces corvées, & ne recevoir leur argent que pour l’employer à procurer quelque légère