Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/337

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à la malice ce qu’elle ne devoit attribuer qu’à la distraction. Je ne doute pas qu’il n’arrive tous les jours à plusieurs personnes des aventures aussi ridicules. Il est impossible qu’un homme, qui parle la moitié de la journée, souvent sans réfléchir à ce qu’il dit, ne tombe dans des méprises ridicules.

« Les conversations, continua l’officier, que j’ai avec plusieurs de mes camarades ne sont pas plus utiles à former l’esprit que celles dont je viens de vous faire le détail. Elles roulent sur les aventures galantes de la garnison, sur les modes nouvelles, sur les parties de débauche qu’on a fait la veille, &c. Vous voyez que le tems que j’employe à ouïr ou à faire des discours sur des choses aussi peu sensées, est un tems que je dois regarder comme entièrement perdu. Je n’en tire aucun fruit. Et lorsque, revenu à moi-même, je fais réflexion à ma façon de vivre, je crois, comme je vous l’ai dit, que je ne suis véritablement homme, que quelques momens de la journée. C’est dans ceux, où seul dans ma chambre, je tâche de cultiver mon esprit par la lecture de quelques bons livres, & où je gémis en secret des plaisirs fades que je suis obligé de chercher en public. »