Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/338

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Je fus surpris, mon cher Isaac, d’entendre parler un jeune homme aussi sensément. Il seroit à souhaiter, lui dis-je, qu’il y eût au service plusieurs jeunes gens qui pensassent aussi sensément que vous. On verroit bientôt chez les François ce qu’on vit autrefois dans Rome & dans Athènes. Le métier de la guerre ne passeroit plus pour être incompatible avec les sciences. On ne les mépriseroit pas chez les militaires. Elles étendroient leurs droits sur eux, comme sur les autres états du royaume. « On n’a point de mépris, répondit l’officier, pour les sciences chez mes camarades. Je vois bien que vous ne connoissez point encore parfaitement le génie de la nation Françoise. Le bel-esprit est le point & le but où visent tous les François. Dans quelque état qu’ils soient, ils veulent s’y distinguer par le génie. L’officier a cette envie, ainsi que l’homme d’église, & le magistrat. Et comme il croit qu’il ne convient pas à quelqu’un qui a de l’esprit de mépriser les sciences, il les loue. Il fait plus : il en parle sans les connoître ; semblable en cela à bien d’autres gens.

« Pourvû qu’il persuade ses camarades qu’il aime la lecture, il est satisfait. Il a plusieurs livres dans sa chambre, &