Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/34

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unes des questions qui regardoient un de ses confrères ; qui entendant le mot du guet, crut qu’on s’adressoit à lui, & répondit pour son camarade. Cette aventure étonna un peu le docteur. Il se remit pourtant bien-tôt de sa surprise, qui ne fut remarqué que de ceux qui connoissent le ridicule de la fourberie de ces comédiens infernales.

Les Milanois ont autant de superstition que leurs voisins ; mais ils accommodent leur dévotion à leurs plaisirs : : comme les fêtes des saints procurent plusieurs divertissemens, ils en font autant qu’ils peuvent. Le beau sexe, les moines, les galans, les musiciens & les limonadiers en profitent.

Le carnaval est presque aussi gai à Milan qu’à Venise : tout le monde s’y livre à la joie. Les religieuses enfermées dans leurs couvens n’en cédent point leur part : elles jouent des comédies, s’habillent en Arlequin, en Scaramouche, en Mezerin ; la sœur Dorothée, aussi bien que la sœur Angélique, deviennent alors Pantalon & Pierrot. Depuis noël jusqu’au carême, on va en foule dans les couvens voir représenter à la grille ces troupes de comédiens femelles, qui se tirent à merveille d’affaire, & représentent souvent mieux leur rôle que de véritables comédiens.