Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/342

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au caractère de la nation Françoise. Le bon sens s’y trouve dans tous les différens états ; mais dans tous ces différens états, il semble qu’on n’ose suivre les loix de la raison, en certaines occasions. L’empire de la mode détruit celui de la sagesse. Les magistrats, les ecclésiastiques donnent dans les mêmes travers que les militaires. Un jeune conseiller au parlement tâche d’égayer le plus qu’il peut son habillement. Il se figure que le noir a quelque chose de moins brillant que les autres couleurs. Il n’ose parler de jurisprudence devant le monde, il craindroit qu’on ne lui donnât le nom de pédant, & qui pis est, celui de robin, plus craint des gens de robe que les taxes & les impôts ne le sont des peuples. N’est-il pas ridicule, qu’un homme rougisse de son état, sur-tout lorsqu’il est aussi glorieux que celui de dispenser la justice aux hommes ; qu’il n’ose faire paroître qu’il est digne du rang qu’il occupe ; & qu’il posséde la science de son métier ?

Peut-on assez s’étonner qu’il préfère à la satisfaction de recevoir des louanges qui conviennent à sa profession, le plaisir de passer pour n’avoir rien, qui sentent l’homme de robe, c’est-à-dire, rien de tout ce qu’il devroit avoir, & de ce qui fait l’essentiel de son devoir ?

Les ecclésiastiques ne sont pas plus sensés que les magistrats.