Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/343

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Les prélats, les abbés de cour, se regarderoient comme des gens méprisables, s’ils n’employoient point les revenus de leurs bénéfices en équipages, en meubles, en vaisselles. Ils seroient les premiers à se moquer de celui d’entre eux qui voudroit agir d’une manière différente. C’est un bon homme, diroient-ils  : il prêche bien : mais on fait chez lui fort mauvaise chere. Un ecclésiastique, qui, à la cour, ne donneroit que de bons avis & des sermons édifians, joueroit un rôle fort peu brillant auprès d’un pontife qui mange cent mille écus de rente. On ne s’embarrasse guère qu’il soit ignorant, prodigue, voluptueux, pourvû qu’il ait une table excellente. L’on s’informe rarement, lorsqu’on va chez un riche abbé, de l’état de sa bibliothéque, mais très-souvent de celui de sa cave. Il en est plusieurs qui rougiroient de passer pour théologiens. Ils veulent avoir de l’esprit. Ils seroient au désespoir qu’on crût qu’ils ne sont pas en état de juger d’une tragédie, d’un roman : mais ils ne veulent pas qu’on pense, qu’ils s’amusent à lire des livres de leur état. Ils craindroient que cela ne leur fît perdre la réputation de bel-esprit & d’homme aimable. Ils se