Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/355

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c, qui a beaucoup plus de ducats que bien des gentilshommes Bruxellois n’ont de sols. Ceux qui sont riches, envoient leurs enfans passer quelque tems à Paris, où ils achevent de se gâter entièrement. Ils y perdent le bon de leur pays, & y prennent le mauvais des François. Ils veulent imiter leurs manières de petits-maîtres, & leurs façons de s’énoncer ; mais ils ont un air si gauche, que ces airs badins & légers leur siéent aussi peu que les allures de manége à un cheval de frise. Un Brabançon qui folâtre me rappelle l’âne de la fable, qui veut imiter le petit chien : je crois voir maître baudet porter amoureusement ses deux longs pieds sur les épaules de son maître. La Fontaine a bien raison de dire : Ne forçons point notre talent. On devient ridicule dès qu’on veut sortir de sa sphère : l’envie d’imiter les manières Françoises a perdu plusieurs étrangers, & plus d’un François s’est renversé la cervelle pour vouloir réfléchir aussi profondément que les Anglois. J’aime le sang-froid & la tranquillité des Hollandois. Rien ne les trouble [1] : ils vont

  1. Et si fractus illabatur orbis, Impavidum ferient ruinae. Horatius.