Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/36

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que dans ces poësies Jules-César, Tamerlan & Mahomet Il ne se trouvent que de petits garçons, eu égard aux signori Scalfi, Farlini, Sinesini, & autres demi-hommes, qui ont payé bien cherement l’avantage d’avoir la voix claire. Les Anglois ont une autre façon d’applaudir qui plaît beaucoup plus aux acteurs. Ils jettent, au lieu de vers, des bourses remplies de ducats ; & la gloire n’est point assez chere aux signori virtuosi, pour leur faire préférer les sonnets aux pistoles. Il faut pourtant qu’ils s’en contentent en Italie, ne pouvant mieux faire ; car il n’est aucun Milanois qui soit tenté d’applaudir à la manière Angloise.

On voit peu de noblesse aussi avare que celle de ce pays. Elle a trouvé le moyen, pour épargner & pour se divertir à bon marché, de faire faire les frais de tous les plaisirs publics, par une société de bourgeois & de marchands, qu’on appelle les Faquini, parce qu’ils font l’ouverture du carnaval par une mascarade dans laquelle ils sont habillés en paysans. Les nobles prêtent leurs palais pour les fêtes que donnent les Faquini ; mais ils n’entrent dans aucune dépense : il en est tel d’entr’eux qui se feroit volontiers payer le louage de son hôtel, s’il croyoit que la chose ne fût pas sçue.