Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/54

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que les autres : mais la gêne & la contrainte où l’on les tient à Paris, leur donnent de la vertu malgré elles, & soutient leur sagesse, qui ne résisteroit pas aux tentations qui font succomber les Vénitiennes. Les couvens de filles dans ce pays sont des prisons remplies de victimes innocentes qu’on a dévouées à l’avarice ou à l’ambition. Les François, doués de douceur & de sensibilité pour les malheureux, ne sortent de leur caractère que dans l’usage cruel qu’ils font de ces couvens.

La moitié des peres à Paris sont aussi barbares envers leurs filles que certains peuples du Pérou, qui gardent les femmes qu’ils prennent à la guerre pour en faire des concubines, & nourrissent aussi délicatement qu’ils peuvent les enfans qu’ils en ont jusqu’à l’âge de treize ans, après quoi ils les mangent. [1]

Les François en usent à-peu-près de même. Dès qu’ils ont trois ou quatre filles, ils marient l’aînée, ou celle qu’ils aiment le mieux, & renferment dans une étroite prison toutes les autres, qu’ils destinent dès le moment de leur naissance à essuyer mille tourmens. Je trouve, dit Montagne, qu’il y a moins de cruauté à manger un homme mort

  1. Histoire des Incas, Liv. I, XII.