Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/61

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de mes larmes les endroits les plus tendres. Une dame de mes amies avoit la complaisance de m’en prêter, & j’épuisai bien-tôt sa bibliothéque.

« Le chagrin d’avoir quitté le monde, & d’être la triste victime de l’ambition & de l’avarice de ma famille, m’a rendu la vie à charge. Je n’attends ma liberté que de la mort, & je la souhaite beaucoup plus que je ne la crains. Ma mere n’est pas plus heureuse que moi. Elle m’avoit sacrifiée pour marier plus avantageusement ma sœur aînée. Elle est morte peu de jours après son établissement. Ma famille n’a plus d’enfant que moi, qui ne sçaurois recueillir les biens qui vont passer à des collatéraux éloignés qu’elle hait, & dont elle a sujet de se plaindre. Il semble que le ciel ait pris le soin de me venger. »

Je ne sçais, mon cher Brito, ce que tu pense sur la barbare manière dont les nazaréens papistes enferment leurs filles. Mais je trouve qu’il faut avoir le cœur d’un Cannibale, pour inventer une coutume, qui, sous le prétexte de consacrer des ames à Dieu, rend éternellement malheureuses un nombre de personnes qui n’ont jamais mérité de l’être. J’ai souvent parlé avec les nazaréens de cet usage contraire à la raison &