Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 3.djvu/70

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les difficultés d’une route aussi périlleuse.

Les nazaréens papistes & nos rabbins, condamnent ce sentiment. Ils croient que Dieu ne doit point avoir pitié d’une créature qui a tâché de le servir dans une autre religion ; & il est tel moine à Rome qui consentiroit plutôt d’avouer qu’il n’est aucune divinité, que d’accorder une place dans le ciel à quelques nazaréens réformés qui ont donné dans ce monde des exemples de la vertu Ia plus parfaite.

Lorsqu’un Italien veut obtenir quelque chose de sa famille, il la menace de se retirer à Genève, me n’anderò in Ginevra. Un pere de famille qui entend prononcer ces paroles à son fils, n’en est pas moins frappé, que s’il lui disoit, je m’en irai à tous les diables. Il dépendroit des Italiens de perdre aisément la mauvaise opinion qu’ils ont des Genevois. Pour peu qu’ils voulussent s’instruire des mœurs des peuples, ils verroient qu’il en est peu qui en aient d’aussi pures & d’aussi raisonnables que le sont celles de ceux qu’ils croient être des démons vomis de l’enfer. Il n’est aucun milieu dans la décision des Italiens : quiconque n’est pas entiérement de leur croyance, est un vrai gibier de Belzébuth.