Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/137

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un peu partout dans de larges paniers, laissaient choir une à une, les gouttelettes du dernier arrosage.

— Voilà, dit-elle, l’endroit où je voudrais vivre !

— Il est à vous !

Il avait gagné les bonnes grâces du chef des jardiniers qui, en lui faisant visiter la maison, lui avait expliqué que cette pièce était affectée au dépôt des fleurs cueillies chaque soir et que la belle Carlotta venait prendre, à la nuit, pour les vendre dans les hôtels et les villas, à Pallanza ou à Baveno. Pour son amour des fleurs, il avait donné au jeune homme toute permission de les venir respirer à son aise jusqu’au moment de leur enlèvement par la marchande des Borromées. C’était le plus délicieux rendez-vous d’amour.

Gabriel voulait entrer tout de suite.

— Oh ! non ! fit-elle… promenons-nous au moins !

Il lui reprit le bras et lui dit ce torrent de choses qui viennent confusément à l’esprit et aux sens lorsque l’être longtemps contenu, tout à coup déborde, à l’abri des importuns et de l’ordinaire badinage.

Ils marchaient au hasard des allées. Dans le désordre de leurs paroles, elle lui adressait subitement une question sur une plante exotique qu’elle remarquait au passage.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? demandait-elle.

— Qu’est-ce que ça peut bien vous faire ? lui répondait-il en souriant.

— En effet !

Et elle riait, de son rire clair et magnifique, en renversant un peu en arrière sa taille qu’il soutenait et portait avec enivrement.

Elle était toujours vêtue de ces toilettes claires qui enchantaient son amant. Et son grand chapeau de paille blanche muni de dentelles retombantes faisait