Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/138

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de toute sa personne la plus étonnante de ces fleurs extraordinaires aux noms inconnus, qui s’étalaient sur leur passage.

— Et vous, vous, qui êtes-vous ? lui dit-il.

— Qu’est-ce que ça peut bien vous faire ?

— En effet ! puisque je t’aime !

En relevant les yeux, la grande beauté de la vue les éblouit. Deux trouées, l’une sous les branches d’un chêne à feuilles gigantesques, l’autre dans l’intervalle d’un massif de houx frisés et de camphriers, leur découvraient d’une part la corne méridionale du lac, et de l’autre la ville de Pallanza, blanche et charmante, assise au bord des eaux tièdes, comme une jolie fille paresseuse qui les attendrait à fraîchir avant de s’y baigner les pieds. Le soleil, à ce moment, passait de l’autre côté des montagnes ; une brise infiniment légère fit glisser une ride à la surface de l’eau ; des nuages chargés d’or s’élevèrent, et la pâleur de Pallanza s’anima jusqu’au rose d’une jeune chair. Les eaux elles-mêmes semblaient devenir molles comme du lait et en prenaient la teinte grasse et bleuâtre. La ligne des montagnes s’adoucit ; toutes les choses se résolurent en un attendrissement général. C’était une heure si touchante et d’une beauté si communicative, qu’ils en furent presque suffoqués et prirent tout naturellement la direction de « leur » palais et de « leur » chambre fleurie.

Ils couraient, ils traversaient en sautant les plates-bandes et les tapis de gazon. Elle s’arrêtait par moments, et portant la main à son cœur :

— J’ai chaud aux joues, disait-elle, sens un peu !…

Les oiseaux, se couchaient. Au milieu du ramage, on pouvait distinguer le cri des paons.

Gabriel et Luisa se retournèrent vivement à un bruit qui vint par une grande allée droite descendant