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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE

origine. La langue latine est entrée ainsi en possession d’une désinence proprement adverbiale, dont elle a fait, comme on sait, le plus large usage[1].


Une observation d’une nature un peu différente vient se présenter ici. Nous venons de citer deux ou trois exemples des acquisitions faites par nos langues[2]. Elles sont assurément précieuses et importantes. Cependant, si utiles qu’elles soient, elles n’approchent point, ni pour la valeur, ni pour le nombre, des acquisitions antérieurement capitalisées, je veux dire de cet appareil grammatical qui constitue le fonds commun des langues indo-européennes et qui était déjà chose ancienne et parfaitement fixée à l’époque où le sanscrit, le grec, le latin, le germanique, le slave, le celtique apparaissent pour la première fois. On a par là, si je ne me trompe, un moyen de mesurer du regard l’antiquité des langues indo-européennes.

Par antiquité des langues indo-européennes je n’entends pas l’antiquité d’une race, chose difficile à concevoir et à comprendre, mais l’antiquité d’une

  1. Voir Mém. Soc. ling., VII, 188.
  2. On pourrait encore citer, dans les langues slaves, la création du « Genre animé », qui repose sur une distinction morphologique entre les substantifs désignant les êtres doués de vie et ceux qui ne le sont pas. Cette distinction est venue après coup et grâce à un pur accident de la langue. Voir le travail d’A. Meillet, dans la Bibliothèque de l’École des hautes études.