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DE LADY AUDLEY

éducation et n’avait pas encore passé le Rubicon intellectuel des mots de deux syllabes. Le capitaine Madlon s’était présenté pour voir son petit-fils, mais ce privilège lui avait été refusé, selon les instructions de M. Audley. Le vieillard avait envoyé, en outre, un gâteau et des sucreries pour le petit garçon, et on avait aussi refusé le tout, sous le prétexte que ces comestibles étaient indigestes et avaient des tendances bilieuses.

Vers la fin de février, Robert reçut une lettre de sa cousine Alicia qui le poussait d’un pas vers sa destinée, en l’obligeant à retourner à la maison d’où il avait été en quelque sorte exilé à l’instigation de la femme de son oncle.

« Papa est très-malade, écrivait Alicia, pas dangereusement malade, Dieu merci, mais retenu dans sa chambre par une fièvre lente qui a succédé à un rhume violent. Venez le voir, Robert, si vous avez quelque considération pour vos plus proches parents. Il a parlé de vous plusieurs fois, et je sais qu’il sera enchanté de vous avoir près de lui. Venez de suite, mais ne dites rien de cette lettre

« De votre affectionnée cousine,

« Alicia. »

Une fiévreuse et mortelle terreur glaça le cœur de George comme il lisait cette lettre, — une vague et terrible crainte qu’il n’osait matérialiser sous aucune forme définie.

« Ai-je bien fait ? pensait-il, dans les premières angoisses de sa nouvelle horreur, — ai-je bien fait de temporiser avec la justice et de garder le secret de mes soupçons, dans l’espoir que j’avais de préserver ceux que j’aime du chagrin et de l’infortune ? Que