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LE SECRET

voulez donc ma perte, puisque vous avez laissé ces deux hommes ensemble. »

Mistress Marks joignit les mains piteusement.

« Je ne suis pas venue de ma propre volonté, milady… moins que jamais j’aurais voulu quitter la maison ce soir, j’ai été envoyée.

— Par qui ?

— Par Luke, milady. Il est très-dur pour moi quand je lui résiste.

— Pourquoi vous a-t-il envoyée ? »

La femme de l’aubergiste baissa les yeux sous le regard croisé de lady Audley, et hésita avant de répondre.

« Je ne voulais pas venir, milady, dit-elle en balbutiant. J’ai fait observer à Luke que c’était mal de vous obséder tantôt avec ceci, tantôt avec cela ; mais il m’a fait taire en criant, et m’a ordonné de venir.

— Bien, bien, je sais cela. Pourquoi êtes-vous venue ?

— Luke est extravagant, milady ; j’ai beau lui prêcher l’économie et le soin de ses affaires, il boit, et quand il a passé deux ou trois heures à table avec des campagnards, il est impossible qu’il fasse bien ses comptes. Sans moi nous serions ruinés depuis longtemps, et pourtant la ruine est venue quand même. Il vous souvient, milady, de m’avoir donné de l’argent pour acquitter la note du brasseur ?

— Oui, je m’en souviens très-bien, répondit lady Audley avec un sourire amer, car j’avais besoin de cet argent pour payer mes fournisseurs.

— Je le sais, milady, et c’était très-mal de venir vous le demander après tout ce que vous aviez fait déjà. Et ce qui est pis encore, c’est que Luke implore de nouveau vos secours. Le loyer de la maison n’est pas encore payé. Il est dû depuis Noël, et l’huissier est venu ce soir chez nous, nous prévenir