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LE SECRET

pas laissée allumée. Je trouverai mon chemin dans la maison quand je reviendrai, toutes les portes sont ouvertes. »

Elle s’aventura sur le sentier caillouté qui bordait la pelouse et referma la porte vitrée. Elle craignait que le vent ne la trahît en faisant crier la porte de la bibliothèque.

Elle était maintenant dans le parterre, exposée aux fureurs du vent qui s’enroulait autour de sa robe de soie, et la faisait claquer comme la voile d’un bateau par une forte brise. Elle traversa le parterre et jeta un regard en arrière sur les fenêtres de son boudoir, éclairées par la lueur du feu, et sur celles de la chambre à coucher de sir Michaël, où brillait un faible rayon de lumière.

« J’éprouve l’émotion de quelqu’un qui s’évade au cœur de la nuit pour ne plus jamais reparaître et être oublié, se disait-elle. Peut-être ferais-je mieux de fuir, de profiter de l’avertissement de cet homme et de lui échapper pour toujours. Si je disparaissais comme George Talboys ?… Mais où aller ?… Que devenir ?… Je n’ai pas d’argent, mes bijoux valent tout au plus une centaine de livres, à présent que j’ai vendu les plus beaux. Que faire ?… Dois-je recommencer la vie d’autrefois, cette vie de misère, de souffrance et d’humiliation ; m’exposer de nouveau aux fatigues de la lutte, et mourir… comme mourut ma mère, peut-être ? »

Milady demeura quelque temps immobile entre le parterre et l’arche, à débattre cette question. Sa tête était baissée, et ses mains réunies l’une à l’autre. Son attitude révélait l’état de son esprit ; elle exprimait l’irrésolution, la perplexité. Tout à coup un changement se fit en elle, et elle releva la tête — d’un air de défi et de détermination.

« Non, monsieur Robert Audley, dit-elle tout haut