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DE LADY AUDLEY

Elle s’arrêta et regarda le numéro peint sur la porte. La clef était dans la serrure, et sa main s’appuya dessus comme par mégarde. Puis elle se mit à trembler comme elle avait tremblé quelques minutes avant au bruit de l’horloge, et resta ainsi tremblante quelques instants, ayant toujours la main sur la clef. Ensuite sa figure revêtit une horrible expression, et elle tourna deux fois la clef dans la serrure, fermant ainsi la porte à double tour.

Aucun bruit ne fut entendu de l’intérieur. Celui qui occupait la chambre ne fit aucun mouvement, ne donna aucun signe attestant que le grincement de la clef dans la serrure rouillée était parvenu à ses oreilles.

Lady Audley entra précipitamment dans la chambre à côté. Elle posa la bougie sur la table de toilette, ôta son chapeau, et en noua les rubans autour de son bras. Elle s’empara de la cuvette et la remplit d’eau. Elle plongea dans cette eau sa tête et sa chevelure dorée, et revint se placer pendant quelques instants au milieu de la chambre, d’où elle contempla d’un œil ardent le maigre ameublement qui l’entourait. La chambre à coucher de Phœbé n’avait rien de luxueux. Elle avait été forcée de mettre les plus beaux meubles dans les chambres réservées aux voyageurs que le hasard pouvait amener à l’auberge du Château. Mais mistress Marks avait remplacé la partie substantielle de l’ameublement qui faisait défaut par l’abondance des draperies. Au lit, aux fenêtres, partout, des rideaux blancs de mousseline à bon marché et des draperies de même étoffe à la sombre fenêtre, masquaient la lumière du jour et donnaient asile à des légions de mouches et aux toiles d’araignée. La glace elle-même, ce malheureux morceau de verre qui faisait grimacer toute figure assez hardie pour s’y mirer, était encadrée dans de la mousseline festonnée et du calicot rouge glacé orné d’une dentelle tricotée.