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LE SECRET

et, profitant d’un moment d’arrêt dans cette course précipitée, jeta ses regards en arrière sur cette triste auberge, où elle était si malheureuse. À la vue de l’auberge elle poussa un cri d’horreur et saisit vivement le manteau de lady Audley.

Les ténèbres ne couvraient plus de leur voile noir toute l’étendue du ciel. Un jet de lumière brillait dans le lointain.

« Milady !… milady !… s’écria Phœbé saisissant un des pans du manteau de sa maîtresse, et lui montrant cette lueur, voyez-vous ?… voyez-vous ?

— Oui, je vois, répondit lady Audley en essayant de dégager son manteau des mains qui le serraient. Qu’est-ce que c’est ?

— Le feu…, milady… le feu !

— Il me semble, en effet. C’est à Brentwood sans doute. Lâchez-moi, Phœbé, ce feu ne nous touche en rien.

— Oh ! milady, ce n’est pas à Brentwood, c’est bien plus près, c’est à Mount Stanning. »

Lady Audley ne répondit pas. Elle tremblait de nouveau, de froid peut-être, car le vent avait arraché son manteau de ses épaules et tout son corps frêle était exposé à la bise aiguë.

« C’est à Mount Stanning, milady, s’écria Phœbé Marks ; le feu est à l’auberge du Château… je le sais… je le sais… j’ai songé au feu toute la soirée et j’étais mal à mon aise, car je savais qu’un jour ou l’autre cela arriverait. L’auberge ne m’inquiète guère, mais il y va de la vie de plusieurs personnes… il y va de la vie de plusieurs personnes, sanglota la jeune femme avec égarement. Luke est ivre et ne pourra se sauver tout seul, et M. Audley est endormi… »

Phœbé Marks s’arrêta tout à coup en prononçant le nom de Robert. Elle se jeta à genoux et levant les mains vers lady Audley :