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DE LADY AUDLEY

« Ô mon Dieu ! s’écria-t-elle, dites-moi que ce n’est pas vrai, dites-le-moi, c’est trop horrible, trop horrible !…

— Qu’est-ce qui est trop horrible ?

— La pensée qui me vient à l’esprit… la terrible pensée que j’ai en ce moment.

— Que voulez-vous dire, Phœbé ? cria milady fièrement.

— Que Dieu me pardonne si je me trompe… s’écria la jeune femme agenouillée, en phrases entrecoupées, puissé-je me tromper, milady ! pourquoi êtes-vous venue à l’auberge ce soir ?… pourquoi avez-vous résisté à toutes mes objections, vous qui êtes l’ennemie de M. Audley et de Luke, que vous saviez réunis ce soir sous le même toit ? Oh ! dites-moi que je vous fais injure… dites-le-moi… car, aussi vrai qu’il y a un Dieu au-dessus de nos têtes, je crois que vous n’êtes venue que pour mettre le feu à l’auberge. N’est-ce pas que je vous fais injure, milady… n’est-ce pas ?… Dites-le-moi, je vous en supplie

— Je n’ai rien à vous dire, sinon que vous êtes folle, répondit lady Audley d’un ton sec et dur ; relevez-vous, peureuse… idiote ! Votre mari est-il donc si regrettable que vous ayez lieu de gémir à cause de lui. Que vous est-il ce Robert Audley pour que vous fassiez la folle parce qu’il court un danger quelconque ? Comment savez-vous que le feu est à Mount Stanning ? Vous voyez un jet de lumière dans le ciel et vous vous écriez aussitôt que votre misérable hutte est en flammes, comme s’il n’y avait pas sur terre d’autre maison qui pût brûler. Le feu peut être à Brentwood ou plus loin… à Romford… ou plus loin encore ; de l’autre côté de Londres peut-être. Relevez-vous, folle, et retournez chez vous pour veiller sur vos biens, sur votre mari et sur votre locataire. Relevez-vous et partez, je n’ai plus besoin de vous.