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DE LADY AUDLEY

vent à Alicia de ridiculiser Robert et de le traiter en termes peu mesurés.

« Qui sait, se disait le baronnet, si ma fille n’est pas comme cette Béatrice qui n’avait que de dures paroles pour Bénédict, mais qui en même temps l’aimait de tout son cœur. Savez-vous, Alicia, ce que m’a dit le major Melville dans sa visite d’hier ? demanda tout à coup sir Michaël.

— Je n’en ai pas la plus petite idée, répondit Alicia avec dédain ; il vous a dit peut-être que nous aurions une autre guerre avant peu ou bien un nouveau ministère, parce que les ministres actuels ne font rien qui vaille, et qu’à force de réformer ceci, cela, ils finiront par n’avoir plus d’armée du tout ; rien qu’une armée d’enfants bourrés jusqu’aux yeux d’absurdités débitées par les maîtres d’école, et portant des jaquettes et des casquettes de toile. Oui, monsieur, ils se battent dans l’Inde avec des casquettes de toile, en ce moment même, monsieur.

— Vous êtes une impertinente, miss, reprit le baronnet. Le major Melville ne m’a rien dit de tout cela : il m’a seulement raconté qu’un de vos admirateurs, sir Harry Towers, avait quitté sa résidence du Hertfordshire et renoncé à ses chevaux de chasse pour aller faire un tour d’une année sur le continent. »

Miss Audley rougit en entendant le nom de son adorateur, mais cette rougeur disparut promptement.

« Il est parti pour le continent ! dit-elle avec indifférence. Pauvre garçon ! il m’avait annoncé que c’était là son intention si… s’il ne réussissait pas dans ses projets. Sir Harry Towers, le pauvre diable, est une bonne et stupide nature, qui vaut vingt fois mieux que ce morceau de glace qui a nom Robert Audley.

— Je voudrais, Alicia, que vous ne trouviez pas tant de plaisir à ridiculiser Robert, dit sir Michaël gravement. Il a un cœur excellent et je l’aime comme un