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LE SECRET

l’odeur du liquide. Mais elle la déposa tout à coup en frissonnant,

« Si je pouvais !… murmura-t-elle, si j’avais seulement le courage !… Et pourtant à quoi bon ! maintenant… »

Ses petites mains se crispèrent à ces derniers mots, elle courut à la fenêtre de son cabinet d’où l’on apercevait la grande arche tapissée de lierre, sous laquelle devait passer quiconque viendrait de Mount Stanning au château d’Audley.

Il y avait d’autres portes plus petites dans les jardins, et ces portes ouvraient sur la prairie qui se trouvait derrière Audley ; mais en revenant de Mount Stanning ou de Brentwood, il fallait entrer par l’arche.

L’aiguille de l’horloge au-dessus de l’arche marquait une heure et demie quand milady la regarda.

« Comme le temps passe lentement, dit-elle ennuyée ; comme il passe lentement… lentement. Vieillirai-je longtemps ainsi d’une heure par minute ? »

Elle demeura quelques instants immobile, les yeux fixés sur l’arche, mais personne ne parut, et elle s’éloigna de la fenêtre pour recommencer sa promenade.

En quelque endroit que se fût déclaré l’incendie qui la nuit précédente avait jeté une si vive lueur sur le ciel sombre, la nouvelle n’en était pas encore parvenue à Audley. La journée était triste et pluvieuse, et précisément une de celles par lesquelles l’oisif ou le bavard le plus entêté oserait à peine s’aventurer au dehors. Ce n’était pas jour de marché, il y avait donc peu de piétons sur la route entre Brentwood et Chelmsford, et aucune nouvelle du feu qui avait eu lieu pendant cette nuit d’hiver n’était arrivée au village d’Audley, et du village au château.

La femme de chambre en rubans roses vint prévenir sa maîtresse qu’il était l’heure du luncheon, mais