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DE LADY AUDLEY

mée. Elle mit sa robe de soie la plus belle, une robe d’un bleu argenté étincelant, qui lui donnait l’air d’être vêtue avec des rayons de la lune ; elle déroula les brillants anneaux de sa chevelure, et, jetant sur ses épaules un manteau de cachemire blanc, elle descendit dans le vestibule.

Elle ouvrit la porte de la bibliothèque et jeta un coup d’œil à l’intérieur. Sir Michaël était endormi dans son fauteuil. Au moment où milady refermait doucement la porte, Alicia descendit de chez elle. La porte de la tour était ouverte et le soleil brillait sur la pelouse du parterre. La terre durcie du chemin n’était presque plus humide, la pluie ayant cessé de tomber depuis plus de deux heures.

« Voulez-vous faire un tour avec moi dans le parterre ? » demanda lady Audley à sa belle-fille.

La neutralité armée entre les deux femmes autorisait de temps en temps quelque politesse de ce genre.

« Oui, si vous voulez, milady, répondit Alicia d’un air d’indifférence ; j’ai bâillé toute la matinée en lisant un livre stupide et je ne serais pas fâchée de respirer un peu d’air frais. »

Je plains le romancier dont miss Audley avait lu le roman, s’il n’a pas de critiques plus scrupuleux que la jeune fille. Elle avait parcouru le volume sans savoir ce qu’elle lisait, et l’avait mis plusieurs fois de côté pour épier à la fenêtre l’arrivée d’un visiteur qu’elle n’avait plus grand espoir de voir arriver.

Lady Audley passa la première et gagna le chemin caillouté par lequel les voitures arrivaient au château. Elle était encore très-pâle, mais sa toilette brillante et ses boucles dorées, légères comme la plume, attiraient l’œil et l’empêchaient de se fixer sur sa figure pâle. Le chagrin, avec quelque raison, s’associe dans notre esprit à des vêtements en désordre, à des cheveux épars et à un extérieur tout à fait opposé à celui de milady.