Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
LE SECRET

pour assister à la transformation. Le valet de Mahomet, s’il en avait un, a dû plus d’une fois voir son maître en déshabillé, et rire sous cape de la bêtise de ses adorateurs.

Lady Audley n’avait pas sa femme de chambre pour confidente, et, ce jour-là plus que les autres, elle voulait être seule.

Elle s’étendit sur le meilleur sofa du cabinet de toilette, cacha sa tête sous les coussins et essaya de dormir. Dormir ! — il y avait si longtemps que le sommeil n’avait fermé sa paupière, qu’elle ne comptait plus le voir venir. Peut-être n’y avait-il que quarante-huit heures qu’elle n’avait dormi, mais ces quarante-huit heures avaient été autant de siècles. La fatigue de la nuit précédente et ses émotions l’avaient brisée. Elle s’endormit, mais son sommeil lourd ressemblait à de la torpeur. Elle avait pris quelques gouttes d’opium dans un verre d’eau avant de chercher le repos.

La pendule sonnait trois heures trois quarts quand elle s’éveilla, le front couvert d’une sueur froide. Elle avait rêvé que toutes les personnes habitant le château frappaient à sa porte pour lui annoncer l’incendie de la nuit.

Elle n’entendit d’autre bruit que celui des feuilles de lierre frappant contre la fenêtre, le craquement du bois qui brûlait dans le foyer, et le mouvement régulier de la pendule.

« Ces rêves affreux vont-ils me poursuivre jusqu’à ce qu’ils m’aient tuée ? » se dit-elle.

La pluie avait cessé et un faible rayon de soleil brillait aux vitres de la fenêtre. Lady Audley s’habilla rapidement, mais avec soin. Je ne veux pas dire que, même au moment où ses angoisses étaient les plus poignantes, elle fût encore fière de sa beauté ; non, sa beauté n’était plus qu’une arme à ses yeux, et elle sentait qu’elle avait doublement besoin d’être bien ar-