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DE LADY AUDLEY

le parterre ; il faisait déjà sombre et l’on distinguait à peine, de l’autre côté, ce coin de ciel bleu où brillait déjà l’étoile du soir. Il n’y avait personne dans le parterre, excepté cette malheureuse coupable, qui parcourait le sentier, écoutant si elle n’entendrait pas venir le terrible messager. Enfin un bruit retentit dans l’avenue qui conduisait à l’arche. Était-ce un bruit de pas ? Le sens de l’ouïe, dont les forces étaient doublées chez elle par l’agitation, lui révéla que ce bruit venait de quelqu’un qui marchait, non d’un pas traînard comme celui des paysans à souliers ferrés, mais d’un pas ferme et vif comme celui d’un gentleman.

Ce bruit glaça le sang dans les veines de milady. Il lui fut impossible d’attendre ; elle ne put se contenir ; tout son empire sur elle-même disparut en ce moment, et elle courut vers l’arche.

Elle s’arrêta dans l’ombre, car l’étranger était à quelques pas d’elle. Elle le vit à travers l’obscurité, ô Dieu ! et son cœur cessa de battre, sa tête s’égara. Elle ne poussa aucun cri de surprise, aucune exclamation de terreur, elle chancela et s’appuya contre l’arche recouverte de lierre. Elle attendit ainsi le nouveau venu sans le quitter des yeux.

À mesure qu’il approchait, ses jambes se dérobèrent sous elle et elle tomba à genoux sur la terre ; elle ne s’évanouit pas, elle garda même toute sa connaissance. Ainsi agenouillée dans l’angle du mur, on aurait dit qu’elle ne demandait plus rien qu’à se creuser une tombe à l’abri de l’édifice en briques, et à mourir.

« Milady !… s’écria Robert, car le nouveau venu, c’était lui, lui dont la chambre avait été fermée à double tour dans l’auberge du Château, dix-sept heures auparavant ; qu’avez-vous ?… reprit-il d’un ton étrange où perçait la contrainte ; relevez-vous et laissez-moi vous conduire à la maison. »