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DE LADY AUDLEY

était poitrinaire. C’était pénible pour la pauvre veuve d’avoir une fille malade à soigner, et toute une famille en bas âge à nourrir. J’écoutai patiemment tout ce qu’elle me raconta sur les souffrances de sa fille, son âge, sa piété, les remèdes du médecin, et bien autre chose encore ; mais mon esprit était ailleurs ; je ne l’écoutais pas, je ne l’entendais que d’une manière vague, comme un bourdonnement qui arrivait à mes oreilles, comme le bruit de la rue, ou le murmure du ruisseau qui coulait à l’extrémité de cette rue. Que m’importaient les douleurs de cette femme ? N’avais-je pas les miennes, auprès desquelles tout ce que sa nature grossière ressentait n’était rien. Ces sortes de gens ont toujours des maris malades, des enfants alités, et s’attendent à être secourus par les riches dans tous leurs embarras. Il n’y avait rien là qui sortît du commun. Je songeais à tout ceci, et j’étais sur le point de la renvoyer avec un souverain pour sa fille malade, lorsqu’une idée me traversa le cerveau avec tant de promptitude, que tout mon sang reflua à ma tête, et fit battre mon cœur avec la violence que j’éprouve lorsque je suis folle. Je lui demandai son nom. Elle s’appelait Plowson et tenait une petite boutique où elle vendait de tout, disait-elle, et qu’elle quittait de temps en temps pour venir voir Georgey et surveiller la jeune fille qui était la servante à tout faire de mon père. Sa fille malade se nommait Matilda. Je lui adressai plusieurs questions sur cette fille Matilda, et j’appris qu’elle avait vingt-quatre ans, qu’elle avait toujours été malade, et qu’en ce moment, comme disait le docteur, elle était atteinte d’une maladie de langueur qui l’emporterait rapidement, et qu’elle déclinait depuis longtemps. L’homme de l’art déclarait même qu’elle ne passerait pas la quinzaine. Le navire qui apportait George Talboys devait dans trois semaines jeter l’ancre dans la Merscy. Il est inutile de m’appesantir plus