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LE SECRET

longtemps sur ces détails. Je visitai la jeune fille. Elle était jolie et mignonne. Son portrait pouvait à la rigueur ressembler au mien, quoiqu’elle n’eût avec moi aucune ressemblance, excepté sous ces deux rapports.

Je lui fus présentée comme une dame qui désirait lui être utile. Je corrompis la mère en lui donnant plus d’argent qu’elle n’en avait jamais vu et elle consentit à tout ce que je voulus. Dès le second jour de ma connaissance avec cette mistress Plowson, mon père se rendit à Ventnor et loua un appartement pour sa fille malade et son enfant. Dans la matinée suivante, il emmena Matilda mourante et Georgey qu’on avait décidé avec des gâteaux à l’appeler maman. Elle entra dans la maison en qualité de mistress Talboys ; un médecin la soigna en la croyant mistress Talboys, et quand elle mourut elle fut inscrite sur le registre sous le nom de mistress Talboys. La nouvelle fut insérée dans le Times, et deux jours après George Talboys arriva à Ventnor et fit placer la pierre tumulaire qui rappelle le souvenir de sa femme, Helen Talboys. »

Sir Michaël Audley se leva lentement et avec peine. On aurait dit que la douleur morale avait raidi tous ses membres.

« Je ne puis en entendre davantage… dit-il d’une voix rauque. S’il reste quelque chose à dire, il m’est impossible de l’écouter… Robert… il est inutile d’aller plus loin… C’est vous qui avez découvert tout cela… continuez votre œuvre en vous occupant du salut et du bien-être de cette femme que je croyais être la mienne… Souvenez-vous dans tout ce que vous ferez que je l’ai aimée réellement et tendrement… Je ne puis lui dire adieu et je ne le lui dirai pas jusqu’à ce que je puisse songer à elle sans amertume… jusqu’à ce que je puisse avoir pitié d’elle… Mais je prie Dieu de lui pardonner ses erreurs. »

Sir Michaël sortit de la bibliothèque sans jeter un