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LE SECRET

« Je ne serais pas de force à lutter contre les difficultés de mon métier, dit le docteur Mosgrave, si je ne voyais pas où finit la confiance et où commence la réserve. Vous ne m’avez appris que la moitié de l’histoire de cette dame, monsieur Audley. Il faut que je sache le reste avant de me prononcer. Qu’est devenu le premier mari de cette dame ? »

Il adressa cette question d’un ton décisif, comme s’il devinait que la réponse serait la pierre angulaire de l’édifice qu’il explorait.

« Je vous ai déjà dit, docteur Mosgrave, que je ne le savais pas.

— Oui, répondit le docteur, mais votre figure m’a révélé que vous le soupçonniez. »

Robert Audley garda le silence.

« Si vous voulez que je vous serve, ayez confiance en moi, monsieur Audley. Le premier mari a disparu : quand et comment ? Il faut que je sache l’histoire de cette disparition. »

Robert réfléchit quelques instants avant de répondre, mais peu à peu il releva sa tête, qui s’était courbée sous le travail de sa pensée, et il dit au médecin :

« J’aurai confiance en votre honneur et en votre bonté, docteur Mosgrave. Je ne vous demanderai pas de faire tort à la société, mais seulement de sauver un nom de la honte et de la dégradation, si vous le pouvez, en conscience. »

Il raconta l’histoire de la disparition de George et de ses doutes à lui, Dieu sait avec quelle répugnance.

Le docteur Mosgrave l’écouta aussi tranquillement qu’auparavant. Robert termina en faisant un appel à tous les bons sentiments du médecin. Il le supplia d’épargner le généreux vieillard qui avait fait le malheur de sa vieillesse, en ayant tant de confiance en sa femme.