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DE LADY AUDLEY

rie en ruine du puits. George s’appuyait contre la barre en fer du tourniquet et cette barre en fer démontée remuait toutes les fois qu’il changeait de posture. Je me levai enfin et je me tournai vers lui comme pour le défier. Je lui déclarai que s’il me dénonçait à sir Michaël, je le proclamerais fou ou menteur et que je le défiais de parvenir à faire croire à l’homme qui m’aimait aveuglément, comme je lui dis, qu’il avait des droits sur moi. Au moment où j’allais le quitter après ce défi, il me saisit par le poignet et me retint de force. Vous vîtes la trace de ses doigts sur mon bras et ne fûtes pas la dupe de mes explications. Je jugeai dès lors, monsieur Audley, que vous étiez un homme à craindre. »

Elle s’arrêta comme pour donner à Robert le temps de parler, mais il attendit sans rien dire qu’elle achevât son récit.

« George Talboys me traita comme vous m’avez traitée, reprit-elle ; il jura que s’il existait un témoin pour constater mon identité, ce témoin fût-il à cent mille lieues du château d’Audley, il irait le chercher pour me confondre. Ce fut alors que je devins folle. Ce fut alors que je retirai la barre de fer du montant dans lequel elle jouait et que je vis mon premier mari tomber dans le puits en poussant un cri horrible. Il y a une légende sur l’immense profondeur de ce puits, et je crois qu’il est à sec, car je n’entendis pas le bruit de l’eau. Je me penchai sur la margelle et je ne vis qu’un trou noir. Je m’agenouillai et j’écoutai, mais le cri ne se répéta pas. Je restai là un quart d’heure, et Dieu sait combien ce quart d’heure me parut long. »

Robert Audley ne poussa aucun cri d’horreur quand l’histoire fut finie. Il se rapprocha seulement de la porte devant laquelle se tenait Helen Talboys. S’il y avait eu un autre endroit pour sortir, il en aurait pro-