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LE SECRET

vie ? Qui est tout à fait en sûreté sur ce balancier tremblant ?

Fleet Street était tranquille et solitaire à cette heure tardive, et Robert Audley était en disposition d’esprit à croire aux spectres : il aurait été peu étonné de voir s’avancer le docteur Johnson vers le réverbère, ou l’aveugle Milton chercher à tâtons son chemin pour descendre les marches de l’église de Saint-Bride.

M. Audley prit une voiture au coin de Farringdon Street, qui le mena rapidement vers Finsbury Pavement, à travers un labyrinthe de rues boueuses,

« Personne n’a jamais vu de revenant en fiacre, se dit Robert, et Dumas lui-même n’a pas eu cette idée, non qu’il ne soit capable de faire un roman de ce genre si l’idée lui en venait. Un revenant en fiacre ! voilà un titre qui sonne bien. L’histoire pourrait être celle de quelque lugubre gentleman en noir qui prendrait un véhicule à l’heure, étant obstiné sur le prix des courses, et engagerait son conducteur dans des rues solitaires, au-delà des barrières, et se rendrait de toute manière fort désagréable. »

La voiture roula bruyamment sur le pavé pierreux et déposa Robert aux portes de la station peu charmante de Shoreditch. Il y avait très-peu de voyageurs pour ce train de nuit, et Robert se promena librement de long en large sur une plate-forme en bois, lisant les énormes affiches dont les lettres monstres paraissaient s’évanouir et reparaître à la triste lueur du réverbère.

Il eut à lui seul tout un compartiment du wagon dans lequel il monta. Je me trompe en disant à lui seul : l’ombre de George Talboys le poursuivit jusque dans le coin de son compartiment de première classe. Elle était derrière lui quand il regardait à la portière, et cependant elle précédait la machine qui se précipi-