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DE LADY AUDLEY

étaient tellement meurtris qu’il ne s’en servait que difficilement. Je sentis quand il me toucha que ses habits étaient humides et couverts de boue.

« Est-ce que vous êtes tombé dans la mare, monsieur ? » lui demandai-je.

« Il ne me répondit pas ; il n’eut pas même l’air de m’avoir entendu. Je m’aperçus alors en le voyant debout que c’était un homme très-grand et bien fait. Il me dépassait de toute la tête.

— Conduisez-moi au cottage de votre mère et faites sécher mes habits, vous serez bien payé pour votre peine. »

« Je savais que la plupart du temps on cachait dans le mur du jardin la clef de la porte en bois, et je lui fis prendre ce chemin. Il pouvait à peine marcher, et ce n’était qu’en s’appuyant sur moi qu’il mettait un pied devant l’autre. J’ouvris la porte, et je ramenai par les prairies jusqu’à notre cottage où ma mère était occupée à préparer mon souper. Je le fis asseoir dans un fauteuil devant le feu, et je pus l’examiner alors. Je n’ai jamais vu personne en pareil état ; il était tout couvert d’une vase verdâtre, et ses mains étaient écorchées. Je lui enlevai ses habits aussi adroitement qu’il me fut possible, et il se laissa faire comme un enfant. Il soupirait de temps en temps et regardait le feu sans s’occuper de son bras qui pendait inerte. Le voyant dans un état si fâcheux, je voulus aller chercher M. Dawson, et j’en parlai à ma mère ; mais il m’entendit, malgré son air distrait, et me défendit de sortir. Sa présence au cottage ne devait être connue que de ma mère et de moi. Il me permit cependant d’aller lui chercher de l’eau-de-vie, et onze heures sonnèrent quand je fus de retour du cabaret. J’avais eu une bonne inspiration en allant acheter de l’eau-de-vie, car il frissonnait de tous ses membres, et il me fallut lui desserrer les dents pour qu’il en avalât