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DE LADY AUDLEY

et les paroles grossières ne lui coûtaient rien. Ma bile s’échauffa et je gardai mon secret. J’ouvris les deux lettres et je les lus ; mais je n’y compris pas grand’chose, et je les cachai dans cette cassette d’où elles ne sont pas sorties depuis. »

Luke Marks avait fini son histoire et était fatigué d’avoir parlé si longtemps. Il resta immobile dans son lit, regardant Robert d’un air inquiet, comme s’il s’attendait à des reproches, car il avait vaguement conscience que ce qu’il avait fait était mal.

Robert ne lui adressa pas de reproches. Il ne se sentait pas capable de faire un sermon.

« Le ministre lui parlera demain et le tranquillisera, se dit Robert, et si le malheureux a besoin d’un sermon, il vaut mieux que ce soit un prêtre qui le lui administre que moi… que lui dirais-je ? Sa faute est retombée sur sa tête, car si lady Audley eût été rassurée, elle n’aurait pas mis le feu à l’auberge du Château. Comment oser après cela se tracer son existence et ne pas reconnaître le doigt de Dieu dans cette étrange histoire ? »

Les suppositions qu’il avait faites et en vertu desquelles il avait agi, lui parurent bien mesquines. Le souvenir de la confiance qu’il avait eue en sa propre raison lui fut pénible, mais il se consola en songeant qu’il avait essayé de faire son devoir envers les morts aussi bien qu’envers les vivants.

Robert Audley demeura auprès du mourant jusqu’au jour. Luke Marks s’était assoupi un peu après avoir fini son histoire. La vieille femme n’avait écouté que la moitié de la confession de son fils, et Phœbé était couchée en bas. Le jeune avocat veillait seul dans la maison.

Il ne pouvait dormir ; l’histoire qu’il venait d’entendre l’absorbait complètement. Il remerciait Dieu d’avoir sauvé son ami et il lui tardait de l’avoir retrouvé pour aller dire à Clara Talboys :