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LE SECRET

« Elle me rit au nez.

— Qu’est-ce qui te passe donc par la tête, Luke ?

— Ce sont les idées que tu y as mises, et je te répète que, s’il doit y avoir des secrets entre nous, nous ne serons jamais mari et femme. »

« Là-dessus, Phœbé se mit à pleurer, mais je n’y pris pas garde ; j’avais en poche la lettre pour milady et je cherchais un moyen de la lui remettre.

— Peut-être n’es-tu pas la seule à avoir des secrets, Phœbé ? lui dis-je. Il est venu hier un monsieur qui voulait voir milady, un grand monsieur à barbe brune. »

« Au lieu de me répondre, Phœbé pleura à chaudes larmes et se tordit les mains ; j’en étais abasourdi, mais petit à petit elle m’avoua tout et je sus qu’elle avait vu de sa fenêtre où elle était assise, milady se promener avec un monsieur dans l’allée des tilleuls. Ils étaient entrés ensuite dans le bosquet, s’étaient approchés du puits, et là…

— Arrêtez, s’écria Robert, je sais le reste.

— Phœbé me raconta tout ce qu’elle avait vu et ce qui s’était passé entre elle et milady quand cette dernière était rentrée chez elle. Il paraît que Phœbé, sans tout lui dire, lui avait donné à comprendre qu’elle savait son secret, et que, dorénavant, sa maîtresse dépendait d’elle. Vous voyez donc que milady et Phœbé croyaient mort au fond du puits le gentleman qui était tranquillement assis dans un wagon du train parti pour Londres. En remettant ma lettre, milady apprendrait le contraire, et nous perdions Phœbé et moi une bonne occasion pour nous établir. Je gardai la lettre en me disant que si milady était généreuse je lui avouerais tout et je la rassurerais. Mais elle ne fut pas généreuse. L’argent qu’elle me donna, elle me le donna comme on jette un os à un chien. Quand elle me parlait, il était facile de voir que ma figure lui déplaisait