Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t2.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
255
DE LADY AUDLEY

comme le cœur de M. Harcourt Talboys, avaient dégelé, ainsi que le cœur de ce personnage, à la chaleur du soleil d’avril et couraient capricieusement au milieu des buissons épineux.

On donna à Robert une chambre d’un style sévère et un cabinet de toilette qui n’avait rien d’égayant ; et, tous les matins, il s’éveilla sur un matelas à ressorts métalliques. Ce matelas éveillait toujours en lui l’idée qu’il dormait sur quelque instrument de musique. Le soleil, en pénétrant à travers les persiennes, faisait briller les deux urnes placées au pied de son lit et leur donnait quelque ressemblance avec les lampes en cuivre de la période romaine.

Une visite à M. Harcourt Talboys était plutôt un retour vers l’enfance et les années de pension, qu’un moyen de savourer la vie en sybarite. On trouvait dans la maison Talboys ces fenêtres sans rideaux, ces descentes de lit, ces bruits de cloche le matin et ces prières en commun, qui sentent par trop les institutions privées, où les fils de bonne maison se préparent à l’armée et à la marine.

Mais, lors même que la maison carrée et en briques rouges eût été le palais d’Armide, et les serviteurs qui la peuplaient une légion de houris, Robert n’eût pas été plus content de l’habiter.

Il s’éveilla au son d’une cloche matinale et fit sa toilette aux premiers rayons du soleil, qui brillent sans vous égayer et vous font frissonner sans vous réchauffer. Il rivalisa de courage avec M. Harcourt Talboys en se plongeant dans l’eau froide ; et quand il descendit pour faire, avant déjeuner, une promenade sous les pins, dans la plantation touffue, il avait une figure violette comme celle du maître de la maison.

Une troisième personne assistait généralement à cette promenade, et cette troisième personne était Clara Talboys, qui marchait à côté de son père, plus