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LE SECRET

de terreur qui s’était emparé de lui en ne retrouvant pas son ami.

« D’où provenait cette terreur ? pensait-il. Pourquoi ai-je vu du mystère dans la disparition de George ? Était-ce pressentiment ou monomanie ! Si je me trompais, après tout ? si toutes ces preuves que j’amasse une à une ne provenaient que de ma folie ? si cet édifice d’horreur et de soupçons n’était qu’un assemblage de bizarreries suggérées par l’hypocondrie ? M. Harcourt Talboys ne trouve aucune signification à tous ces événements qui ont enfanté pour moi un affreux mystère. Je lui ai montré un à un les anneaux de ma chaîne, et il a refusé de reconnaître qu’ils s’agençaient parfaitement. Ô mon Dieu, si c’était moi le seul coupable ! si… — il sourit avec amertume et secoua la tête. J’ai en poche, continua-t-il, un écrit qui sert de preuve irrécusable… il ne me reste qu’à explorer le côté le plus sombre du secret de milady. »

Il évita le village et suivit le chemin de la prairie. L’église se trouvait un peu en arrière de la rue principale, et par une porte en bois grossièrement façonnée on débouchait du cimetière sur un grand pré que bordait un ruisseau d’eau vive et qui descendait en pente douce dans un vallon où venaient paître de préférence les troupeaux du voisinage.

Robert gravit à pas lents le sentier du pré qui menait à la porte du cimetière. Le calme de cet endroit était en harmonie avec sa tristesse. Un vieillard qui cheminait péniblement vers une barrière à l’autre bout du pré fut le seul être humain que le jeune avocat aperçut. La fumée qui s’échappait des cheminées des maisons éparpillées le long de la grande rue était la seule preuve visible de la présence de ses semblables autour de lui, et sans le mouvement des aiguilles de la vieille horloge de l’église, il aurait pu croire que le temps avait cessé de marcher pour le village d’Audley.