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DE LADY AUDLEY

Pendant que Robert ouvrait la porte du cimetière et entrait dans le petit enclos, il entendit tout à coup le son d’un orgue qui arrivait jusqu’à lui par une fenêtre entr’ouverte dans la nef du bâtiment.

Il s’arrêta et écouta l’harmonie d’une mélodie rêveuse qui ressemblait à une improvisation de quelque pianiste accompli.

« Qui aurait jamais cru qu’Audley possédât un orgue pareil ? pensa Robert. La dernière fois que je suis venu ici, le maître d’école qui accompagnait le chant des enfants ne m’avait pas fait soupçonner que cet instrument fût si bon. »

Il demeura immobile auprès de la porte, ne voulant pas rompre le charme opéré en lui par la monotone mélancolie du jeu de l’organiste. La voix de l’instrument, tantôt pleine comme le mugissement de la tempête, tantôt faible et douce comme le souffle de la brise, avait sur lui une influence qui calmait sa douleur.

Il ferma doucement la porte et traversa le chemin caillouté qui s’étendait devant la porte de l’église. Cette porte avait été laissée entr’ouverte par l’organiste peut-être. Robert l’ouvrit entièrement, entra sous le porche carré d’où partait un escalier en pierre qui menait à l’orgue et au beffroi. M. Audley ôta son chapeau et ouvrit la porte de communication entre l’intérieur de l’église et le porche. Il marcha doucement dans le saint lieu en se dirigeant vers la grille de l’autel, et quand il fut arrivé là, il examina l’église en tout sens. La petite galerie où se trouvait l’orgue était en face de lui, mais les rideaux verts qui masquaient l’instrument étaient tirés, et il ne put voir l’exécutant.

La musique continuait toujours. L’organiste venait de se lancer dans une mélodie de Mendelssohn dont la tristesse allait au cœur de Robert. Il visita les coins et recoins de l’église et contempla les reliques des morts