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DE LADY AUDLEY

dois me rendre à une invitation ; laissez-moi entrer, monsieur Audley.

— Accordez-moi une demi-heure d’entretien, répondit Robert à voix basse, je ne suis venu ici que pour vous parler.

— Sur quoi ? » demanda milady.

Elle était remise de l’émotion violente qu’elle venait, quelques instants avant, d’éprouver, et ce fut d’un ton naturel qu’elle fit cette question. Sa figure exprimait plutôt la curiosité et l’étonnement d’une enfant qui cherche à deviner que la sérieuse surprise d’une femme.

« Que pouvez-vous avoir à me dire, monsieur Audley ?

— Je m’expliquerai quand nous serons seuls, » répondit Robert, jetant un regard sur sa cousine qui se tenait un peu en arrière et surveillait ce petit dialogue confidentiel.

« Il est amoureux de la beauté de cire de ma belle-mère, pensa Alicia, et c’est pour l’amour d’elle qu’il a perdu l’esprit. Il a précisément tout ce qu’il faut pour devenir amoureux de sa tante. »

Miss Audley se dirigea vers la pelouse en tournant le dos à son cousin et à milady.

« Le malheureux est devenu aussi blanc qu’une feuille de papier quand il l’a vue, se dit-elle. Il est donc enfin amoureux. Ce morceau de glace qu’il appelle son cœur a donc battu une fois dans un quart de siècle. Il paraît qu’il lui faut une poupée aux yeux bleus pour le mettre en mouvement. Il y a longtemps que j’aurais renoncé à lui si j’avais su que son idéal de beauté pouvait se rencontrer dans un magasin de jouets d’enfants. »

La pauvre Alicia traversa la pelouse et disparut du côté opposé du quadrilatère, où se trouvait une porte gothique qui communiquait avec les écuries. J’avoue