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DE LADY AUDLEY

rendu maussade en le forçant à reconnaître qu’il n’entend rien à son métier.

— Avez-vous étudié le caractère de votre cousin, Alicia ? demanda milady d’un ton sérieux après un temps d’arrêt.

— Étudié son caractère ? ma foi, non ! Pourquoi ? il n’est pas nécessaire de l’étudier longtemps pour s’apercevoir que c’est un paresseux, un sybarite, un égoïste, qui ne se soucie de rien au monde, excepté de son bien-être.

— Ne l’avez-vous jamais jugé excentrique ?

— Excentrique ? répéta Alicia relevant ses lèvres vermeilles d’un air de dédain et haussant les épaules, peut-être bien… c’est l’excuse dont on se sert d’habitude pour les personnes de ce genre. Je pense donc que Robert est excentrique.

— Ne l’avez-vous pas entendu parler de son père et de sa mère ? Vous les rappelez-vous ?

— Je n’ai jamais vu sa mère. C’était une miss Dalrymple, une éblouissante jeune fille qui se fit enlever par mon oncle et perdit ainsi une très-jolie fortune. Elle mourut à Nice avant que Robert eût atteint sa cinquième année.

— Vous ne savez aucun détail sur elle ?

— Qu’entendez-vous par détail ?

— Avez-vous entendu dire qu’elle était excentrique… ce qu’on appelle timbrée ?

— Oh ! non ; ma tante avait bien toute sa raison, bien qu’elle eût fait un mariage d’inclination. Et puis, comme je n’étais pas née lorsqu’elle mourut, je n’ai jamais été fort curieuse d’en apprendre bien long sur son compte.

— Et votre oncle, vous en souvient-il ?

— Mon oncle Robert ? oh ! très-bien.

— Était-il excentrique ? Je veux dire s’il avait, comme votre cousin, des habitudes bizarres.