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DE LADY AUDLEY

Elle s’assit en détournant du feu sa figure pâle et en nouant ses deux mains autour du bras que son mari appuyait sur le fauteuil. Elles étaient bien fiévreuses ces deux mains blanches et effilées. Lady Audley entrelaça ses doigts ornés de bagues en parlant à son mari.

« Je voulais vous voir dès mon retour, mon ami, lui dit-elle, mais M. Audley a insisté pour que je l’écoutasse.

— Et à propos de quoi, mon amour ? demanda le baronnet. Qu’est-ce que Robert pouvait avoir à vous dire ? »

Milady ne répondit pas à cette question. Sa belle tête s’appuya sur le genou de son mari et ses cheveux bouclés cachèrent sa figure.

Sir Michaël releva cette tête charmante et força sa femme à le regarder. La lueur du foyer donnant en plein sur cette figure pâle, fit briller les larmes qui aveuglaient ses grands yeux bleus si doux et si beaux.

« Lucy !… Lucy !… s’écria le baronnet, qu’est-ce que cela signifie ? Mon amour !… mon amour !… que vous est-il arrivé qui vous chagrine de la sorte ? »

Lady Audley essaya de parler, mais les paroles expirèrent sur ses lèvres tremblantes. Une sensation pénible parut étouffer dans son gosier ces paroles fausses et plausibles qui étaient sa seule arme contre ses ennemis. Elle ne pouvait parler. L’angoisse qu’elle avait endurée silencieusement dans l’avenue des tilleuls avait été trop forte pour elle, et elle éclata en sanglots. Ce n’était pas une douleur simulée qui faisait tressaillir son corps gracieux et la secouait, comme une bête fauve à laquelle on retire de force le morceau de viande qu’on lui a jeté ; c’était une souffrance réelle remplie de terreur, de remords et de désespoir. La faible nature de la femme l’avait emporté sur l’habileté de la sirène.