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La prudence du sauvage venait certainement de sauver la vie des voyageurs, dont il était le guide.

C’étaient les signes de la tempête aperçus par Kélano, qui décidèrent ce dernier pour un campement hâtif.

Les trois hommes s’empressèrent de recouvrir de neige leur tente de peau, dressée dans un endroit abrité, et d’y jeter une provision de bois mort. À peine les voyageurs et leurs chiens furent-ils entrés sous leur solide abri, que l’ouragan se déchaîna.

L’effroyable Fantôme Blanc du Pôle Nord venait de se dresser. Les éléments semblaient obéir à des ordres contradictoires. Le vent hurlait. Comme poussée par la force d’un volcan en éruption, la neige s’élevait en trombe vers le soleil, et par l’action du froid se soudait à celle qui tombait en bourrasque, formant des lames de glace, qui, en se rencontrant, se brisaient avec fracas. Quelque chose d’une accalmie se produisait par intervalles irréguliers, puis les forces de la nature se mesuraient de nouveau, implacables.

Pendant que les éléments dans des embrassements de délire, se faisaient une lutte de destruction, chiens et êtres humains confortablement installés sous leur tente de cuir, laissaient filer le temps. Le petit poêle de tôle qui entretenait une chaleur modérée dans ce trou de taupe, faisait suer à grosses gouttes le pauvre Esquimau et comme Thomas venait de jeter un fagot sur les braises, il se lamentait :

— Toé m’siou Thomas, vouloir faire fondre Kélano. Kélano fondu, plus Kélano, hein ? Toé pas pouvoir trouver chemin. Plus pareil chemin quand nous sortir. Kélano fondu, li bourgeois, m’siou Thomas, perdus…