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L’architecte, revenu de bonne heure chez lui, fatigué, s’était jeté sur les coussins, d’où maintenant, Alix, sa surprise passée, ne pouvait détacher les yeux.

Comme il était beau cet homme étendu devant elle. À quoi songeait ce front bien modelé caché sous une main forte et souple. Que se passait-il dans ce cœur dont les battements soulevaient le vêtement, mystère ! Et que se passait-il donc dans ce cœur à elle aussi ? Cet homme qu’elle regardait, était son mari, elle lui avait juré fidélité et amour.

— Je suis trop fière pour lui être infidèle, se dit-elle en redressant la tête, et pour l’aimer…

Aimer ! Sans chercher à analyser le trouble qui l’envahit soudain, à ce mot, elle éteignit vivement la lumière, et regagna son boudoir. Entrée dans la pièce, elle en ferma la porte. Elle sentait qu’elle allait pleurer. En effet, à peine se fut-elle jetée sur un divan, que ses larmes jaillirent pressées, abondantes de ses paupières closes, mais ses pleurs ne venaient pas d’un cœur lourd, il y avait comme une chanson à travers ses sanglots, de la joie dans son chagrin. Elle soupira profondément, en songeant à l’homme accablé qu’elle venait de voir, une sensation de langueur l’enveloppa, si doucement, qu’elle s’endormit d’un sommeil tout léger, et dans cet engourdissement passager, deux mots se berçaient au rythme un peu inégal de sa respiration : « Tu aimes. »

Dormit-elle longtemps, elle ne sut le dire. Lorsqu’elle s’éveilla, elle se leva de sa couche d’un seul mouvement gracieux de ses membres. Une glace placée devant elle lui renvoya son image, elle ne reconnut pas l’éclat nouveau de ses yeux, ni le sourire étrange