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— Tiens, monsieur Bordier rit comme ton mari, Alix.

— Monsieur Bordier et Paul sont très proches parents, répondit la jeune femme en souriant à son beau-père.

— C’est cette parenté avec mes meilleurs amis qui m’empêche de vous fustiger, monsieur.

— Je suis désolé de mon intervention. Que voulez-vous ! J’ai cru qu’une sirène sortie des eaux chantait pour moi ; je n’ai pu résister au désir de venir la contempler.

— Moi, j’étais certain que j’allais me trouver en présence de la rousse madame Lebrun, dit Gilles.

— Vous êtes bien déçus tous deux. Au lieu de vous trouver en face de l’enchanteresse des marins, cette créature de rêve aux cheveux fleuris de lotus, au corps ondulant, portant toilette à la Lebrun, Gilles, avec traîne taillée en queue de poisson, vous donnez du front sur une personne maigrette, au nez rousselé, les cheveux courts, et vêtue d’un tricot vert-roseau.

— Oh, ne parlons pas de déception, fit monsieur Bordier, quand mon compagnon et moi, sommes ravis de constater que notre excellent chauffeur n’a pas étudié la mécanique au détriment de ses capacités artistiques. Pour ma part, mademoiselle, je vous prierais de bien vouloir continuer votre cantilène. Je suis tout oreilles.

— C’est cela, riez de moi. Mais sachez, ô hommes prétentieux, que je ne chantais pas pour vous. Ma voix, je la confiais aux flots afin qu’elle aille bercer les matelots qui naviguent dans le moment sur l’océan. Ces braves gars ont dû m’écouter dans le recueillement.