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— La joie que vous venez de me donner, efface tous les chagrins, toutes les peines. Nous serons heureux dans la vie que vous venez de rendre possible.

Alix ne put retenir une larme qui tomba sur la main de son mari, et cette goutte pourtant tiède, glaça le jeune homme jusqu’au cœur.

— Alix, s’écria-t-il, qu’est-ce qu’il y a ? N’avez-vous pas confiance en moi… Ne voyez-vous pas que je vous…

Il s’arrêta frémissant, cherchant dans les mots ardents qui se pressaient, sur ses lèvres, ceux qui ne blesseraient pas celle qu’il tenait sur sa poitrine. Il reprit coupant ses phrases :

— Ne voyez-vous pas que je veux vous aider… Vous secourir… Rendre notre union agréable… Nous érigerons notre bonheur sur des bases solides… Nous…

Oh les mots insipides ! Il resserra son étreinte, il comprit qu’il ne pouvait plus contenir son amour, il ouvrit la bouche pour l’aveu, mais Alix disait en se dégageant :

— J’ai confiance en vous, mon ami. C’est cela, érigeons notre bonheur sur un calcul raisonnable. Oublions le passé, rebâtissons en neuf, tout en neuf…

Paul se vit ligoté par d’invincibles attaches. « Rebâtir en neuf ». Il eut la vision d’une maison construite dans un endroit désolé sur un coteau sans arbre. Maison toute droite, haute et sans ligne, peinte en gris dehors, et, à l’intérieur, divisée en pièces toutes pareilles, monotones, remplies d’écho : c’est là qu’il lui faudrait donc vivre. Il fut secoué du mouvement de révolte qui affecte l’innocent que l’on jette au cachot.