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— Paul, mon enfant, dis-moi que tu ne désespères pas de conquérir l’amour de ta femme ?

La voix d’Étienne quoique faible, résonnait très distincte, comme il arrive souvent chez ceux qui se meurent.

— Là-bas, en Gaspésie, reprit Paul, un moment j’ai cru, oui j’ai cru à la possibilité de l’admirable chose, j’ai aperçu dans les yeux d’Alix un reflet de cet amour que je convoite. Hélas, la lueur fut aussi fugitive que mon fol espoir.

— Et depuis, mon petit…

— Je passe par toutes les tortures du doute. Ah mon père, je suis las de souffrir, las de lutter contre moi-même, las de jouer la comédie où le bouffon pleure sous le masque. J’ai voulu arracher cet amour de mon cœur, j’avais à peine essayé, que j’ai bondi de douleur ; pour mon malheur, je n’ai plus le courage d’y toucher. Au contraire, je l’entretiens sans cesse, et aujourd’hui comme hier, il m’étouffe, il m’enivre. Ah, j’ai été lâche, et je le suis encore puisque le courage me manque devant vous pour me taire et vous éviter une dernière douleur.

— Mon cher fils, ne sois pas si malheureux, Alix t’aimera, c’est ton père mourant qui te le promet. Crois en la bonté, en la franchise de ta femme…

— Ce n’est pas sa bonté que je veux, reprit Paul la voix presque dure, et je crains sa franchise. Et pourtant, bientôt, demain peut-être, je lui jetterai mon cœur encore une fois… Elle s’en amusera si elle le veut…

— Oh, ne parle pas ainsi ! Quoi qu’il arrive, promets-moi d’être fort et de tout accepter avec résignation.