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— Je le promets et je me résigne, dit Paul désolé, le front appuyé sur la main de son père.

Mais il se releva, et prononça lentement :

— Oui, résigne-toi et meurs. Comme tous ceux des nôtres, père, vous n’avez eu qu’un seul amour dans votre vie. À celle qui l’a partagé et vous a devancé dans la tombe, vous ne voulez pas survivre, et vous mourez dans la force de l’âge. Combien d’années peut durer l’existence misérable d’un Bordier, avec son amour méconnu…

— J’ai eu tout pour me tuer, et toi, fils adoré, tu auras tout pour vivre, fit Étienne le visage illuminé, tu posséderas un jour l’amour de ta femme, et tes enfants ne te seront pas ravis. Souris à la vie. Que mes yeux ne se ferment pas sur les tiens désespérés.

Paul resta un moment silencieux, puis il dit avec foi afin de ne plus attrister inutilement son père :

— Je crois en vos paroles, mon père, mourez en paix. Oh, plutôt non, vivez pour être témoin du bonheur que vous me promettez.

— Va à ton amour, mon fils, laisse-moi aller au mien ; je te bénis…

Alix avait écouté, sans perdre un mot, le dialogue pathétique. Cramponnée au chambranle de la porte, la tête appuyée sur son bras, elle restait chancelante. Des sons de cloches harmonieux emplissaient ses oreilles, et cette musique accompagnait jusqu’à son âme ces mots magiques :

— « Tu n’as jamais cessé d’habiter le cœur de cet homme. »